Ils marchaient côte à côte et s’en allaient tout tristes sur la route d’Emmaüs. Quand on a tellement espéré que Jésus libérerait son peuple et qu’il gît, maintenant, tout au fond d’un tombeau, comment ne pas pleurer le rêve évanoui ? Quand on a voulu être fidèle jusqu’au bout à l’Eglise qu’on disait immortelle, éternelle et qu’on la voit maintenant usée, comme à bout de souffle, déphasée dans un monde qui se passe bien d’elle. La relève qu’on nous promet et qui ne se montre pas. Et les jeunes qui ne croient plus. Tout un monde s’écroule. Et on n’y voit plus clair.
Les deux hommes marchaient et un troisième vint qui fit route avec eux. Mais eux, tout à leur rêve et à leur déception, ne le reconnurent pas. On aurait tant voulu qu’il y ait des témoins à la résurrection. Que ça fasse du bruit. Qu’il se montre à la foule, aux pharisiens, aux scribes. Et qu’il y ait des signes dans le ciel et sur terre. Et des chants de triomphe. Et des rassemblements comme ceux du bon vieux temps où l’Eglise dominait. Ainsi tous pourraient voir qu’on ne s’est pas trompé. Que Dieu est avec nous. Ils ne le reconnaissent pas. II y a des lumières si fortes qu’elles aveuglent.
Alors les deux disciples dirent à leur compagnon : « Reste donc avec nous car déjà le jour baisse. » C’est à partir de là, de cette invitation, de ce geste tout simple que leurs yeux se sont ouverts et qu’ils l’ont reconnu. Ils ont rebroussé chemin, ils ont tourné le dos à leur rêve de puissance, de triomphe et de gloire. Et désormais ce sera dans l’accueil de l’autre et surtout du petit qui ne rapporte rien, dans le gîte qu’on offre, dans le pain qu’on partage qu’on le reconnaîtra. Et nombreux sont ces gestes, aujourd’hui, dans l’Eglise. Encore faut-il les voir.