Un même salaire pour tous


En ces temps de revendications sociales tous azimuts, cet évangile a de quoi mettre le feu aux poudres. La justice de Dieu surprend. Mais il n’est guère possible de prendre le récit à la lettre.

Jésus veut faire comprendre à ses auditeurs, comme en beaucoup dautres passages de sa prédication, que tout au long de l’histoire, des ouvriers ont répondu « présent » pour vendanger les grappes du Royaume.

Mais que ce soit pour Abraham, pour Moïse, pour les Rois, pour les prophètes ou pour jésus, le salaire convenable ne peut être qu’équivalent. Cette pièce dargent que donne le Maître à chacun ne peut être que lamour dont le Seigneur Dieu comble celui qui vient à lui pour travailler à sa vigne.

Dès lors comment demander plus ? En vie chrétienne, il faut tout autant savoir accueillir ce qui est donné de bien qu’accepter de travailler à la grande récolte dans la peine et l’épreuve comme dans la joie et le partage. Là est le seul Royaume où sont bien ordonnés les intérêts de chacun. Un appel radical nous est adressé aujourd’hui, saurons‑nous l’entendre et y répondre ?

Sainte folie !


La parabole des ouvriers de la onzième heure pourrait faire «bondir» plus d’un chef d’entreprise. Voici, en effet, une bien curieuse « gestion des ressources humaines » ! Quel est donc ce «patron» qui prétend payer autant ceux qui ont été embauchés à la fin de la journée de travail que ceux qui triment depuis l’aube ? Voilà de bien curieux conseils financiers qui risquent de mener tout droit au « dépôt de bilan»! Bien entendu, c’est de tout autre chose dont le Christ veut nous parler avec cette parabole. Déjà le prophète Isaïe nous prévient de la part du Seigneur : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, mes chemins ne sont pas vos chemins ! » Autrement dit, l’échelle de valeur habituellement utilisée par les hommes n’est pas celle de Dieu pour qui la justice n’est pas qu’affaire de strict équilibrage des plateaux d’une balance.

On pourrait ici citer saint Paul : « Si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour… je ne suis rien!» Ainsi, Jésus vient nous rappeler que l’amour doit, dans nos vies, être premier et accordé sans condition, sans calcul, sans espoir de « retour sur investissement» ! La belle folie de la foi nous invite à laisser nos « valeurs » se faire bousculer, bouleverser par une autre logique, celle du Royaume, celle des Béatitudes, celle de l’amour où «les premiers seront derniers, et les derniers sont les premiers». Et notre tâche de disciple de Christ consiste à ensemencer le monde avec les graines de cette « sainte folie » de l’amour ! « Ce n’est pas chacun pour soi tout seul que nous sommes nés, mais chacun pour tous… » disait saint Grégoire de Nazianze.