« Le Royaume de Dieu est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils. » Voilà ce qu’il disait. J’ai aimé ce royaume et j’ai aimé ce Dieu qui ne cessait d’inviter au banquet, au festin, qui parlait de « viandes grasses et de vins capiteux, de viandes succulentes et de vins décantés », comme disait son prophète. Et qui avait l’art de mettre l’eau à la bouche. Et j’ai aimé cet homme qui commençait sa vie par des noces à Cana et qui avait un faible pour la table des pécheurs. J’ai pensé que j’aimerais vivre chez ce roi-là. Un Dieu qui fait la noce avec l’humanité.
Voici donc que le roi invita à la noce. Oui, mais les invités refusèrent de venir. Trop occupés d’eux-mêmes, de leurs propres affaires et de leurs intérêts. L’un alla à son champ et l’autre à son commerce. Scribes et pharisiens, et moralisateurs, si occupés d’eux-mêmes et du ciel à gagner qu’ils ne supportaient pas d’être invités gratuitement, d’entrer dans le royaume sans l’avoir mérité. Ils comptaient leurs vertus, les comparaient aux autres. Ils enfermaient l’amour dans les pages d’un grand livre, ils le codifiaient. Et sérieux comme des papes. Mal à l’aise dans une noce.
Alors, fâché, le roi dit à ses serviteurs : « Allez donc sur les routes, invitez à la noce tous ceux que vous croiserez, les mauvais comme les bons. » Et la salle se remplit de convives comme jamais on n’avait pu en voir à des noces royales. Des boiteux, des lépreux, des mendiants et des pauvres. Ceux qu’on n’invitait pas, qu’on évitait plutôt. Ceux que les pharisiens appelaient des pécheurs. Et ceux et celles aussi qui n’étaient pas en règle. Qui n’étaient pas aimables. Et qui étaient aimés. Et je me suis dit alors qu’on me ferait peut-être une place à un coin de table.