L’homme était sur la route. II faisait les cent pas, il allait et venait, il passait, repassait. Un homme tout ordinaire, un homme semblable aux autres. Signe particulier : néant. D’où venait-il, où allait-il et où demeurait-il, on ne le savait pas. Un homme vraiment tout simple, comme on en voit tellement sans bien les remarquer. Un homme pour le silence. Un homme dans la foule. Un homme comme vous et moi. Un parmi tous ces hommes vers qui on n’aurait pas tourné la tête si Jean n’avait pas dit : « C’est lui. »
L’homme passait sur nos routes. Mais comment pourrait-on le voir, le reconnaître? Si l’on attend qu’il ait un costume spécial, un insigne, un drapeau, un visage de vedette et des airs de triomphe ? si l’on ne veut le voir que dans le merveilleux et l’extraordinaire, dans le spectaculaire, dans le miraculeux, dans les apparitions ? et si on ne le cherche que dans la réussite, le succès, le prestige d’une religion qu’on chante, qu’on proclame, qu’on impose, comme une certitude ? s’il n’y a pas d’humble Jean pour nous dire : « C’est lui. » ?
L’homme, aujourd’hui encore, passe sur nos chemins, il passe et il repasse, à portée de nos yeux, à portée de nos mains, il est dans le silence d’un désert, d’un carmel. II est là dans la foule, dans l’aventure humaine, dans l’amour qui se donne et dans la liberté qui se cherche, qu’on respecte. II est dans le service et dans la pauvreté et dans la gratuité. Dans le jeu de l’enfant et dans l’accueil du vieux. Et Jean a d’autres noms, mais c’est toujours bien lui : des noms d’hommes et de femmes, de laïcs et de prêtres. Ce sont elles, ce sont eux, aujourd’hui, qui nous disent : « Regardez bien, c’est lui ! »