Épisode ô combien célèbre que celui des « marchands du Temple » ! Voici que Jésus troque soudain sa divine douceur contre une sainte colère… Facile de voir d’abord dans cette scène, une charge contre le « vilain » commerce. Pourtant, les marchands ne vendent pas de moches souvenirs en toc, genre saint en plastique avec fausse neige qui tombe ! Non, ils proposent aux pèlerins, venus souvent de loin, les animaux nécessaires au sacrifice ; et les changeurs permettent de laisser à la porte du Temple l’argent impur frappé à l’effigie de l’occupant romain. Ces commerçants ne sont donc que des serviteurs biens utiles aux célébrations juives. Pourquoi donc alors ce « coup de sang » de Jésus ? Sans doute veut-il, par ce geste spectaculaire, amener son auditoire à un changement de regard…
Est-ce seulement dans un temple de pierre – aussi grandiose soit-il – que se tient la Présence ? Est-ce seulement dans les observances rituelles – aussi pieuses soient-elles – que l’on rencontre Dieu ? Nos « pratiques religieuses » sont-elles réellement ouverture à la rencontre du Père, ou n’y font-elles pas parfois obstacle ? Combien de messes, combien de liturgies où nous ne faisons que nous prêter, par peur de nous donner ? Combien de fois ne prêtons-nous qu’une oreille distraite à l’Évangile que nous laissons s’affadir en nos vies ? En usant du fouet sur l’esplanade du Temple, c’est, en fait, en notre cœur que le Christ donne un salutaire coup de balai. Devant l’encombrement de notre âme, il fait « place nette ». Car notre foi a régulièrement besoin de sortir de « la maison d’esclavage » de ses petites certitudes et petites habitudes. Il lui faut retrouver – et le Carême en offre une belle occasion – le grand vent décoiffant du désert, le grand souffle purificateur de l’exode. Nos manières de croire ont toujours besoin d’être purifiées, et nos pratiques, converties.