À mi-chemin de notre parcours, l’évangile vient nous conforter dans notre démarche de Carême. De fait, il nous invite à nous tourner vers le Christ élevé sur la Croix qui, pour l’auteur du quatrième évangile, est le lieu par excellence de la pleine manifestation de l’amour de Dieu et la première étape de la remontée du Fils vers le Père. Mais pour accueillir ce que le Père veut nous révéler dans le Christ, et plus encore nous donner, il nous faut « avancer vers nous-mêmes » (saint Bernard). Autant dire que, comme les Israélites acculés à regarder vers le serpent d’airain pour échapper à la mort et guérir de la blessure du doute et de la révolte contre Dieu (Nb 21, 4-9), nous ne pouvons faire l’économie de nous confronter à nos ténèbres mises au jour par la lumière du Christ, à nos infidélités qui appellent son pardon, à notre impuissance à faire le bien sans son secours. Mais n’est-ce pas au cœur de cette vérité que « la miséricorde de Dieu vient nous rencontrer », « sa Parole nous guérir » et nous apprendre que « lui seul peut nous délivrer du mal », comme nous le rappelle le livre de la Sagesse dans sa relecture de l’épisode relaté au chapitre 21 du livre des Nombres (Sg 16, 8-12) ? Car la Croix nous révèle tout autant notre propre folie que les moyens d’en guérir. À chacun de nous de renoncer à toutes ses prétentions (celles d’avoir raison contre le Seigneur au nom de la logique humaine, de mériter son amour au nom d’une bonne conscience sûre d’elle-même), et de devenir « capacité » de Dieu en lui offrant sa pauvreté. Oui, « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). Que nous reste-t-il alors à faire de notre vie, sinon une « éternelle offrande » à ce Dieu qui a « tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique ».