Amos était prophète. Non pas parce qu’il était d’une famille de prophètes, ni d’une institution, d’une caste, d’un clergé, où il serait entré. II élevait des boeufs et, derrière le troupeau, le Seigneur l’a saisi et lui a dit : « Amos, va, tu seras prophète pour mon peuple Israël. » Un prophète est quelqu’un qui parle au nom de Dieu. Et Amos a parlé, fustigé les nantis qui se remplissent les poches au détriment des petits, les magistrats, les juges, qui piétinent la justice, les commerçants qui fraudent. Puis le prêtre lui a dit : « Cesse de prophétiser. » II dérange, le prophète.
Jésus était prophète. Pas prophète de métier : il était charpentier. Un jour, Dieu l’a poussé à rejoindre Jean-Baptiste, le Jourdain, le désert et puis la Galilée. Et Jésus a parlé et Jésus a agi. En faveur des petits, des lépreux qu’on repousse, des pécheurs que l’on classe, des oubliés, des condamnés. Et il a fustigé les scribes qui enferment les fidèles dans la loi, et les commandements, et les interdictions. Les pharisiens aussi qui se vantent d’être purs et qui sont tout pourris. Les riches et les puissants qui tomberont de leur trône. On l’a crucifié. II dérange, le prophète.
Un jour, Jésus avait choisi ses douze apôtres. Les douze n’étaient pas apôtres de formation : des pêcheurs, la plupart. Et Jésus les lança sur les chemins du monde. On s’en va sans argent, et sans sac à remplir, et sans pain de réserve, et sans tunique de rechange. Déjà c’est une façon de remettre en question cette volonté d’avoir, qui écrase tant d’hommes. On s’en va deux par deux, comme pour bien montrer qu’il importe d’être frères. Témoins d’un monde nouveau, un message qui dérange. Mais si, parce qu’elle s’installe, l’Eglise ne dérange plus, que devient le prophète ?
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