C’était au bord du lac. Simon-Pierre avait dit : « Je m’en vais à la pêche. » Les autres répondirent : » Nous allons avec toi « . Et pendant toute la nuit, ils jetèrent leur filet, mais ils ne prirent rien. C’est ainsi que l’on quitte la rive, la terre ferme, pour s’en aller au large et jeter son filet. « Pêcheurs d’hommes », disait-on. Mais l’homme ne mordait pas. Ou il ne mordait plus. On avait même parfois l’impression d’un filet qui était tout troué. Et les rares poissons qu’il contenait encore s’échappaient, s’en allaient. C’est alors qu’on décide de regagner la terre ferme.
Mais sur le bord du lac, il y avait un homme. Un homme qui avait faim, qui n’avait pas mangé, qui demandait du poisson. Ils ne le reconnurent pas. Ainsi arrive-t-il qu’à ceux qui perdent pied quand ils sont dans le lac, ceux qui sont dans la nuit, ceux qui font demi-tour parce qu’ils sont déçus, ceux qui cherchent une terre ferme et la sécurité, on indique un rivage, qui est là-bas, au loin ; là où le jour se lève ; où un homme se tient, debout et glorieux, et les bras grands ouverts. Mais l’homme qui est là, il a faim et demande. On ne le reconnaît pas.
Mais sur le bord du lac, l’homme leur dit : « Venez déjeuner avec moi. » Alors, un peu gêné, on n’ose rien demander. Mais on le reconnaît : c’est lui, c’est le Seigneur. A commencer d’abord par celui qu’il aimait. Comme s’il fallait aimer pour bien le reconnaître. Et puis Pierre a suivi. Après, comme au tombeau. Comme si les chefs jamais n’arrivaient les premiers. Comme si eux devaient dire, affirmer publiquement, faire profession de foi, pour qu’on en soit bien sûr : « Tu sais bien que je t’aime. » Alors au bord du lac, à la lumière du jour, on partage le pain. Et puis on prend le large.