« Je suis le Bon Pasteur. » C’est ce qu’il avait dit. Mais je me souvenais des images pieuses, doucereuses, d’autrefois : le doux enfant Jésus, tout rose, tout gentil, une brebis bien propre allongée sur l’épaule. Et ce besoin toujours d’un monde rassurant. Et cette tentation de vivre comme des anges, les yeux levés au ciel et la main dans la main. Cette recherche aussi d’un Jésus tout gentil qui viendrait nous bercer, qui nous consolerait, qui nous endormirait. Tout cela me paraissait tellement loin d’un berger. Et tellement loin aussi du Jésus de l’Evangile.
« Je suis le vrai berger », avait-il précisé. C’est qu’il y en a des faux. Des gourous de toutes sortes, des mages et des devins, des êtres d’exception, des héros, des voyants. Et ceux qui prétendaient avoir délégation et jouer aux bergers, à sa place, en son nom. Comme s’il n’avait pas dit qu’il était, lui, le vrai, le seul, l’unique berger. Et qui malgré cela s’arrogeaient le pouvoir de dire ce qui est bien ou mal pour le troupeau. De séparer déjà les brebis et les boucs. Et moi, ces bergers-là me paraissaient si loin du Jésus de l’Evangile.
II avait ajouté : « Je connais mes brebis. Elles écoutent ma voix. » La voix de celui qui est toujours en recherche de la brebis perdue ; qui toujours se retrouve du côté des exclus, des paumés, des rejetés, de ceux qui ne rapportent rien ; des ridiculisés et des crucifiés ; et de ceux dont la croix est trop lourde à porter ; de ceux qui traînent en chemin et de ceux qui s’égarent ; de ceux et celles qui n’ont pas de domicile fixe dans la société, dans l’Eglise non plus. La voix des hommes sans voix. Et je me suis dit que cette voix fleurait bon l’Evangile. Comme une bonne nouvelle.