Comment celui qui a toujours bénéficié de l’intégration à un groupe, même s’il l’a vécue comme l’enfant terrible qui pousse la provocation jusqu’aux limites du possible, pourrait-il connaître les sentiments de celui qui vit l’exclusion ? Celui qui la subit au point de la vivre comme une fatalité ou un destin (« Pourquoi mendies-tu ? » demande le touriste bienveillant – « Je ne suis qu’un pauvre noir » répond en grimaçant celui qui cumule les exclusions) ? Celui qui la vit sans l’avoir vue venir, radié, lockouté, pris en otage ? Celui qui la voit venir, mis en quarantaine parce qu’il est sidéen, inscrit sur les listes des prochains licenciés ou enfermé dans le cercle vicieux de la paupérisation ? Celle qui est interdite de rêve et d’accomplissement de sa vocation dans une organisation discriminant les sexes.
Et il en est tant d’autres !
Peut-être le premier des témoignages est-il d’assumer cette méconnaissance de l’expérience de l’exclu et de n’en jamais banaliser le fait (« c’est la guerre économique », « c’est la logique du marché », « les clochards sont heureux de l’être et beaucoup d’entre eux l’ont choisi »… ) ; et aussi de ne pas se délester d’une responsabilité personnelle au bénéfice de justifications dites réalistes (« on ne peut tout de même pas porter sur soi toutes les exclusions du monde ») ; et surtout agir avec eux qui refusent de céder à la fatalité.