«Mon Dieu, prends pitié de moi qui ne suis pas comme ce pharisien suffisant. » Cette distorsion malicieuse de la prière du publicain indique par l’absurde la mauvaise manière d’aborder la parabole de ce dimanche. On y voit spontanément la comparaison entre deux personnages : le pharisien hypocrite et l’humble publicain. Alors, on se sent encouragé à cataloguer les autres et à les juger. On devient pharisien en se croyant publicain. Bref, on est aux antipodes de l’Évangile. En réalité, la parabole ne compare pas deux hommes. Elle met seulement côte à côte deux attitudes opposées pour inviter à choisir la bonne, la manière de prier qui conduit vraiment à Dieu. La prière du pharisien est magnifique, toute préoccupée de Dieu, mais son problème est qu’il prie « en lui-même », littéralement, « retourné sur lui-même ». Il s’écoute prier, il se trouve bon devant Dieu, il est venu le remercier pour cela. Quant au publicain, il se connaît assez pour savoir qu’il n’a rien d’autre à offrir à Dieu que son indigence. Il se sait pécheur, mais il ne cède pas à l’idée désastreuse selon laquelle son état éloignerait Dieu de lui. Il plonge, au contraire, dans les bras grands ouverts de Dieu qui accueille le pécheur et s’accroche à son cou pour le couvrir de baisers (Lc 15, 20). Le pharisien reviendra de sa prière satisfait, sûr de lui. Il y avait pourtant du publicain en lui, qui n’en a pas ? Il n’aurait pas fallu grand-chose pour que sa vie bascule en Dieu. Une faille, un petit peu d’abandon, cela suffit pour