LA FOULE EST LÀ, qui presse Jésus de lui dire quelque chose d’essentiel. Mais Jésus ne parle pas tout de suite, il ne cède pas à la « pression de la rue ». Il commence par se mettre à l’écart, par prendre de la hauteur. C’est sur la montagne que celui qu’on présente parfois comme le « nouveau Moïse », va délivrer à la foule ces nouvelles « Tables de la Loi » que sont les Béatitudes.
Avant d’ouvrir la bouche, le Seigneur s’assoit et invite ses disciples et la foule à faire de même. Car son message ne sera pas « audible » dans la course et le stress de la vie quotidienne. Il va falloir s’arrêter, perdre apparemment du temps, faire l’effort de monter, prendre un peu de hauteur de vue… Alors seulement, il sera possible à la foule, et à nous aujourd’hui, de goûter sa Parole. La vie spirituelle suppose que nous nous arrêtions de courir, que nous fassions un détour, que nous bousculions nos habitudes…
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ces Béatitudes nous bousculent ! Quel est donc ce paradoxal « bonheur à l’envers » que Jésus annonce ? Arrêtons-nous sur sa première Béatitude, la seule qu’il prend bien soin de conjuguer au présent : « Heureux les pauvres de coeur, le Royaume des cieux est à eux ! » Comme si cette première affirmation était la clef de toutes les autres… Le « pauvre de coeur » est, littéralement, celui qui ose – enfin ! – baisser la garde de son orgueil, avouer son incapacité à tenir debout sans l’aide d’un Sauveur, crier vers le ciel : « Dieu viens à mon aide ! »
Saint Paul nous prévient : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi. » Plus nous reconnaîtrons que la glaise de notre existence a besoin des tendres mains de Dieu pour prendre forme et vie, plus nous pourrons devenir ce vase dans lequel le Christ déversera le bonheur promis…