Dans la plaine des hommes, comme il est difficile de croire à quelque chose ou de croire à quelqu’un ! Même si l’on s’appelle Pierre, Jacques ou Jean. Une plaine dans le brouillard, où tout est gris, où tout est flou. Où les hommes et les femmes se croisent sans se voir. Où l’on se marche sur les pieds pour passer le premier. Où l’on courbe la tête pour ne voir que le sol. Où l’on parle de chômage et de pédophilie, d’étrangers, d’immigrés et d’insécurité, de pots-de-vin, de magouilles. Un monde où l’homme n’a plus que des petits ballons blancs pour éclairer sa route.
Et vient la tentation, le rêve, l’illusion. On quitterait cette plaine. On prendrait de la hauteur. On s’en irait là-haut, comme sur une haute montagne. Au-dessus des nuages. Dans la pleine lumière. D’où l’on n’entendrait plus les plaintes, ni les cris, ni les appels au secours. D’où l’on ne verrait plus les maux et les misères. On serait plus près de Dieu. Avec Moïse, Elie et avec tous les saints. On se rassemblerait, on chanterait des cantiques et l’on battrait des mains. Et l’on entendrait Dieu. On serait comme au ciel. On serait arrivé. Dans un monde de rêve.
Jusqu’au jour où il faut retomber sur ses pieds. Où il faut s’éveiller. Où l’on ouvre les yeux et où l’on ne voit plus qu’un homme, un homme seul. L’homme défiguré. L’homme que l’on condamne, qu’on dépouille de ses biens et de sa dignité, dont on rit, que l’on gifle, qu’on rejette, qu’on exclut, qu’on cloue pour qu’il se taise et qu’il ne bouge plus. Et qu’on élève aussi, à la hauteur d’une croix. Sa montagne à lui. Alors il nous faudrait partir à son secours. Le décrocher de la croix. Qu’il soit transfiguré. Pour entrer de plain-pied dans le Royaume de Dieu.