Voici donc que l’Esprit pousse Jésus au désert. Qu’il nous y pousse aussi. Qu’il y pousse notre Eglise. Comme pour faire le point. Comme pour secouer faiblesses et tentations. Et mieux voir qui nous sommes. Et mieux voir qui est Dieu.
Mais dans notre désert, dans notre solitude, l’épreuve fait son œuvre, la sensation du vide, de l’inutilité, l’impression que l’on s’est trompé de direction, qu’on a tourné en rond, l’estomac qui se creuse, l’horizon qui se bouche. Et vient la tentation. Si vraiment Dieu existe, qu’il change ces pierres en pain. Mais Dieu ne veut pas nous prendre par l’estomac. Et il ne bouge pas.
Et dans notre désert, quand on n’y voit plus clair, quand on a l’impression que tout va à vau-l’eau, les églises se vident, les gens qui ne croient plus, la morale qui se perd, la sensation d’échec, c’est le temps de l’épreuve. Et de la tentation. D’agir comme les puissants, de brandir son pouvoir. De rameuter les troupes. De faire beaucoup de bruit. De montrer qu’on est là. Qu’on a Dieu avec nous. Mais il ne bouge pas.
Et dans notre désert, quand on est démuni, et que l’on se sent pauvre, qu’on découvre ses limites, qu’on se retrouve nu, c’est alors, dans l’épreuve, que vient la tentation. Celle du merveilleux. De l’extraordinaire. Pour mieux impressionner. Et pour prouver aussi que l’on n’est pas fini. Tentation du miracle, l’au-delà à la rescousse. On en appelle à Dieu. Mais Dieu ne s’impose pas en faisant impression. Et il ne bouge pas.
Ainsi donc notre Dieu se fait de l’homme, de nous, une si haute idée, qu’il nous respecte au point de se faire discret. Et de nous laisser libres. Et l’on sort du désert. Et l’on reprend la route.